Provoquer le changement

La prise de conscience des défis écologiques

progresse incontestablement.

Pourtant cela ne se traduit pas en acte.

Le changement, c’est pour quand ?

 

Les réticences face à la prise en charge du défi climatique sont récurrentes et persistantes. Celles-ci résultent des difficultés inhérentes à tout changement sociétal, les repères de chacun étant bousculés. Le risque de perte de visibilité du progrès en marche est une réalité dans ce contexte, et avec elle celui des conflits sociaux, de la remise en cause des acquis, (la France est-elle en déclin ou en transition ?…). Nous y percevons les facteurs d’hésitations politiques, de crispation sociale, de repli culturel… Des étapes de la transition qu’il s’agira d’accompagner. Nous retenons ici 3 caractéristiques fortes de l’état des politiques et pratiques en France spécifiquement :

Les obstacles économiques et culturels

En France, le récent Débat national sur la transition énergétique est venu illustrer la difficulté de faire converger les acteurs politiques économiques et sociaux vers des objectifs communs. Ce débat national et ses déclinaisons territoriales ont débouché sur une loi de programmation en 2014, intégrant des dispositions réglementaires et financières concernant tous les secteurs. Pour autant aucun des 12 scénarios présentés par les différents acteurs dans le processus national conduit jusqu’à la récente Conférence environnementale ne précisait les tenants économiques de la transition (conditions d’investissement notamment). Cette absence a considérablement pesé dans la difficulté de progresser ensuite vers des décisions.

Plus grave, le débat sur la transition énergétique depuis quelques années a été marqué par un échec de l’implication de l’opinion publique. Le débat est resté confiné entre les professionnels et les représentants des collèges représentatifs de la société dans un processus en prolongement du Grenelle sans déboucher sur une capacité de compréhension et donc de prise de positions de la part de la grande majorité des citoyens.

Ces deux aspects montrent l’extrême difficulté à favoriser une implication des acteurs économiques et une compréhension des enjeux de la part du grand public.

Un relais médiatique confus

L’opinion, informée par les médias, demeure confuse, sceptique face à des enjeux trop abstraits.

La perception du réchauffement climatique est évidemment brouillée par les polémiques sur le degré de responsabilité humaine et l’inégalité de la vulnérabilité et du développement entre les différents pays. Elle n’est pas clairement reliée à une évolution nécessaire des modes de production et de consommation d’où une incapacité profonde des citoyens à imaginer une mise en œuvre concrète dans leur vie des objectifs fixés : une division par deux des consommations d’énergie et une division par quatre des émissions de gaz à effet de serre à l’horizon 2050.

Le constat des difficultés rencontrées par les négociations internationales alimente le scepticisme. A cela s’ajoute le profond manque de cohérence entre des politiques énergétiques menées par les différents pays, et la trop faible implication d’un trop grand nombre, signes d’une inertie et d’une incapacité à enclencher les politiques nécessaires au changement.

Le chaînon manquant : le message à la personne

La notion de développement durable pointe avec justesse l’urgence à prendre en compte les limites de la planète en recherchant des compromis collectifs, conditions de la cohésion sociale et de la paix dans le monde. Néanmoins, malgré l’existence de nombreux travaux prospectifs, force est de constater que, en dépit des nombreuses initiatives isolées, il n’y a jamais eu d’explicitation officielle des modes de vie possibles pour chacun dans un monde sobre en carbone et inscrit dans une trajectoire de développement durable, explicitation adaptée au contexte de chaque pays : il manque pour le moment une promesse aux personnes de réussir leur vie.

A cela trois raisons :

  •   Le caractère politiquement extrêmement difficile de la prospective des modes de vie particulièrement dans un contexte de grave crise économique et sociale ;
  •   L’insuffisance de travaux permettant de faire le lien de façon crédible entre les scénarios globaux et les trajectoires possibles des ménages du point de vue des consommations d’énergie, des émissions de gaz à effet de serre et surtout des conséquences sur les budgets des ménages.
  •   L’absence de visée culturelle du développement durable : le discours sur la durabilité se limite trop souvent au constat des limites et aux alertes catastrophistes, et recourt aux valeurs dans une logique moralisatrice, sans ouvrir le champ des possibles et des alternatives. Que dit-on des possibilités d’épanouissement personnel et collectif dans la perspective d’un développement durable ?

Le changement attendu s’appuiera entre autres sur des connaissances permettant de lever le voile des incertitudes ; sur des scénarios de réussite en mesure de répondre aux intérêts collectifs et individuels ; sur une évolution des postures individuelles. Un défi tant scientifique et économique que culturel. Car il est clair que la négociation internationale sur le climat ne pourra pas évoluer tant que les populations n’auront pas des perspectives de vie satisfaisante dans un monde qui devra diviser en moyenne par deux ses émissions de gaz à effet de serre.